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Changement d’atoll et changement de décor, à seulement 17 milles d’Hao, ici c’est la nature à l’état brut. La navigation se fait à vue exclusivement, le lagon est parsemé de hauts fonds, mais l’eau est tellement claire qu’il n’y a aucune difficulté. La passe d’entrée à la bonne heure est très évidente, on reste dans le lit du courant, là où l’eau est bleu marine et ça glisse vers l’intérieur. On peut aussi y aller à la nage, on vole au-dessus du vide, les poissons perroquet font de la voltige alors que les gros mérous et autres requins à pointe noire et dormeurs restent sur le fond.
Une centaine de personnes vivent ici, principalement de la coprah qui part une fois par mois à l’huilerie de Tahiti ; il y a une mairie, un bureau de poste (ouvert tous les jours de 7h30 à 9h30), un abri anti-cyclonique à moitié terminé (l’entreprise a fait faillite il y a 2 ans), 2 petits magasins qui ne prennent pas la carte bancaire, une école primaire. Les grands vont à au collège à Hao et ne rentrent que pour les grandes vacances, car le passage entre les 2 atolls coûte bonbon (pas loin de 150 euros l’aller-retour), il faut se grouper pour réduire les frais, idem pour se rendre à Tahiti, les difficultés liées à l’éloignement sont inimaginables pour nous les métros. Très peu de voiliers font escale ici, dommage (ou tant mieux ?) car le lagon est incroyablement tranquille et on peut manger tous les poissons, si tant est que l’on puisse les pêcher ; car oui, ça grouille de petits requins, qui ne sont pas dangereux, seulement inquiétants lorsqu’on a pas l’habitude, mais qui sont à l’affût des proies affolées. Il faut donc faire preuve d’une rapidité absolue quand ça mord pour remonter la prise avant que les requins ne s’en emparent, avalant pour le coup poisson et hameçon. Les poulpes sont également bien présents pour varier un peu. Dans le chapitre des nuisances, il faut absolument rentrer au bateau avant 16 h si on ne veut pas se faire dévorer par les moustiques ou les nonos.
L’occupation principale des femmes d’Amanu est la confection de colliers de coquillages, de tapis de tables en coquillages, de vases et d’animaux en coquillages, un boulot de malade pour un résultat kitch à souhait, mais bon, ça occupe, les goûts et les couleurs...
Sur certains motus on trouve des tombes, on nous explique que lorsque le cyclone est passé au début du siècle, les victimes ont été retrouvées et enterrées sur place, nous qui pensions que c’était par respect des dernières volontés du défunt, nous étions bien loin du compte. Les préoccupations des gens d’ici sont bien différentes des nôtres, même si nous parlons la même langue, nous n’avons absolument rien en commun.
Nous avons rencontré des jeunes qui rêvent de quitter Amanu pour éventuellement aller travailler en France, mais ils n’ont aucune idée de ce que c’est. En essayant de leur expliquer, nous nous rendons compte combien les choses seraient compliquées. L’un d’eux demande : « comment on voyage, comment on se déplace, comment tu visites la France, et pour se loger, combien ça coûte, ah quand même… ». De toute façon ils n’ont pas d’argent de côté, la coprah leur permet tout juste de se payer à manger et quand ils sont trop courts, il y a toujours la pêche. Autrefois il y avait une ferme perlière, mais le dernier cyclone aurait tout emmené et personne n’a relancé l’exploitation, en tout cas rien de comparable aux Gambier.
Maria nous dit : « ici pour vivre ça va, à Tahiti c’est pas possible, c’est trop cher, mais ici ça va ». Elle a un peu plus de 60 ans, 14 enfants dont le dernier a 15 ans, roule ses clopes et rabâche à ses fils qu’il faut travailler, toujours travailler. Elle vit avec eux depuis qu’elle a perdu son mari en 2009 et vient ramasser les noix de coco, dort à même le sol dans leur hutte en palme, collecte ses coquillages, elle aime cette vie.
Alors c’est sûr c’est paradisiaque, comme sur la carte postale, mais il n’y a rien à faire ici. C’est là qu’on se rend compte combien il est nécessaire pour nous d’entreprendre, de faire, de ne pas attendre que les choses se passent et combien nous sommes adaptés à notre milieu. Nous sommes bien incapables de rester sans rien faire, une semaine ou deux, quelques mois, oui, mais ensuite ?
Bon, on n’avait pas prévu d’acheter du terrain de toute façon, alors on profite du lieu, on s’en met plein les mirettes, des variations de bleu de la mer au clair de lune, on a même eu la chance d’assister à une éclipse partielle, sympa. Le soleil est mordant, on ne quitte pas le t-shirt, il fait chaud, c’est les vacances.
Nous avons un bon créneau météo pour les Marquises et les obligations scolaires nous condamnent à trouver de la connexion, alors nous laissons là nos amis autrichiens et c’est parti pour 3 jours de navigation pas sympa du tout, houle croisée de travers, ça brasse, il faut dire qu’après plusieurs semaines dans des mouillages au poil, on a tout perdu de notre amarinage…
De toute façon il faut bien qu’on aille se planquer plus au nord car tout le monde parle de cyclone, les prévisions annonceraient à 90% de certitude le passage d’un cyclone sur la zone Tahiti, îles sous le vent, Tuamotu et Australes pour novembre, le genre d’info qu’il faut éviter de prendre à la légère !
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